"Não abandonar nem por uma hora sequer o trabalho legal. Não acreditar nem um só instante em ilusões constitucionais e «pacíficas». Criar imediatamente em toda a parte e em tudo organizações ou células ilegais para publicar folhetos, etc. Reorganizar-se imediatamente, disciplinada e firmemente em toda a linha."

Lênin em "A situação política"

segunda-feira, 29 de novembro de 2010

[Info-Bureau] [Eh-info-fr]Aucun fasciste espagnol n?a eu son Nuremberg" Interview de Ruben Sánchez

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Aucun fasciste espagnol n?a eu son Nuremberg"

Interview de Ruben S�nchez (Beatriz Morales)

+ info: www.askapena.org

Cette entrevue a �t� publi� en rebelion, mondialisation.ca, lahaine, Michel Collon, Silvia Cattori (fr/cast), oxygene.re, boltxe, Coco Magnanville, ajintem.com, Sare Antifaxista, Jacques Tourtaux.

Ruben Sanchez est un citoyen basque inculp� dans la r�pression contre ?Askapena?, organisation basque de solidarit� internationale entre les peuples. Il est en libert� sous caution de 10 000 euros, tandis que ses cinq camarades arr�t�s le m�me jour, le 28 septembre 2010, sont en prison. Dans cette interview Ruben nous donne son point de vue sur la r�pression contre Askapena et sur la r�alit� d' Euskal Herria, du Pays Basque.

Beatriz Morales Bastos : Ruben, qu?est-ce qu? Askapena  ?

Ruben Sanchez : Askapena est une organisation internationaliste basque fond�e en 1987 avec le double objectif de travailler � la solidarit� avec d?autres peuples qui luttent pour le socialisme et pour leur souverainet�, comme Cuba, le Venezuela, la Bolivie, les peuples originaires d?Abya-Yala (les zapatistes, les Mapuches, les Aymaras, les Guaranis ...), la Palestine, le Sahara. Mais aussi, avec l?objectif de travailler � ce que ces peuples connaissent le peuple basque et sa lutte pour l?autod�termination et le socialisme. Dans ce sens, nous nous coordonnons avec les groupes � Amis et amies d?Euskal Herria �, soit plus de 30 groupes qui travaillent � promouvoir la solidarit� internationale avec Euskal Herria, principalement en Europe [1].

Beatriz Morales Bastos : Vous attendiez-vous � �tre arr�t� ?

Ruben Sanchez : C?�tait une possibilit� tr�s r�elle. Au cours de ces derniers mois, Askapena a �t� attaqu� et criminalis� dans de nombreux m�dias espagnols, colombiens, chiliens. Nous avons �t� accus�s de choses absurdes comme de former les Mapuches aux techniques de guerrilla, ou de chercher des sanctuaires pour l?ETA en Bolivie ou au Venezuela, on nous a associ�s aux FARC. Les infiltrations de la police sont � l?origine de toutes ces intoxications m�diatiques qui visent � pr�parer la soci�t� pour qu?elle approuve la r�pression, le jour o� la rafle aura lieu [2].
En outre, dans le monde entier, la criminalisation de la solidarit� internationaliste est �galement en augmentation. Les exemples sont nombreux, en Palestine, en Colombie, en Tch�tch�nie, en Afghanistan, en Euskal Herria, etc, o� des personnes sont mortes ou ont �t� emprisonn�es pour avoir d�nonc� les �tats imp�rialistes.

Beatriz Morales Bastos : Selon l?Audience Nationale espagnole [3], vous constituez l?appareil international de l?ETA. Que r�pondez-vous � cette accusation ?

Ruben Sanchez : Nous ne sommes pas une organisation clandestine ; depuis 1987 nous agissons publiquement, il y a des centaines d?organisations et des milliers de personnes en Euskal Herria et parmi les peuples du monde qui connaissent notre travail de premi�re main, aucune de ces personnes ne pourrait dire que les membres d?Askapena sont des membres de l?ETA. N?importe qui peut visiter notre site web ou aller aux dizaines de manifestations publiques que nous organisons dans nos villes, ou rencontrer nos brigadistes dans les peuples du monde que nous visitons.

Beatriz Morales Bastos : Alors, comment expliquez-vous la r�pression du gouvernement espagnol contre Askapena ?

Ruben Sanchez : Certaines personnes peuvent ne pas conna�tre la situation des violations des droits humains, civils et politiques � laquelle nous sommes confront�s dans ce pays par les �tats fran�ais et espagnol, et ont seulement entendu parler de l?ETA. Au cours des 10 derni�res ann�es, des centaines de militants d?organisations sociales et politiques ont �t� arr�t�es sous l?inculpation d?�tre des membres de l?ETA, alors qu?ils ne l?�taient pas. Au Pays Basque, il y a eu des journaux ferm�s, des partis politiques interdits, des organisations de jeunesse, de d�fense des droits des prisonniers ou des assembl�es d?�lus mises hors la loi. Au Pays Basque, les militants peuvent appartenir � l?ETA sans le savoir ; un jour la police se pr�sente � votre domicile et vous communique que vous �tes accus� d?appartenir � l?ETA. � partir de ce moment on vous applique la loi antiterroriste, c?est-�-dire une d�tention de 5 jours au secret (incomunicado), qui peut �tre prolong�e par 5 autres jours, avec le risque �vident de la torture, apr�s quoi vous �tes men� devant un juge et un procureur de l?Audience Nationale, un tribunal sp�cial espagnol dont la fonction politique de combattre la lutte du peuple basque date de l?�poque de Franco, et continue aujourd?hui.

Beatriz Morales Bastos : Comment s?est pass�e votre arrestation ? Avez-vous �t� tortur� ?

Ruben Sanchez : Dans mon cas, je n?ai pas �t� tortur�, ce qui, en outre, invalide la th�orie du gouvernement espagnol selon laquelle tous les prisonniers de l?ETA suivent un manuel d?instructions pour d�noncer la torture, un manuel que, �trangement, les militants basques n?appliquent pas quand ils sont d�tenus par l?�tat fran�ais. D?ailleurs, pourquoi un Basque irait-il d�noncer des tortures et signer ainsi son auto-incrimination ? Ce qui vous am�ne directement en prison pour de nombreuses d?ann�es !
Les policiers sont arriv�s � 1h30 du matin, une douzaine d?entre eux sont entr�s dans la maison ; ils ont perquisitionn� jusqu?� 4h30, je crois, et puis ils se sont rendus au garage pour chercher la voiture de ma femme. Cela a �t� le moment le plus difficile, car j?ai d� quitter ma femme, qui est rest� � la maison mise � sens dessus dessous �, avec nos deux enfants �g�s de 6 mois et 2 ans. Apr�s quelques heures au poste de police de ma ville (Gasteiz), on m?a emmen�, avec un masque, en voiture � Madrid. Avant d?aller devant le juge, nous �tions en cellule d?isolement sans savoir qui avait �t� arr�t� ni pourquoi.

Beatriz Morales Bastos : La torture est-elle couramment pratiqu�e contre des prisonniers politiques en Espagne ?

Ruben Sanchez : J?en suis certain pour plusieurs raisons. Tout d?abord, j?ai des amis et amies qui ont �t� tortur�s, et pour moi cela est suffisant. En tout cas, dans l?histoire de l?�tat espagnol il n?y a pas eu une seule ann�e sans torture, ni sous Franco, ni au cours des 30 derni�res ann�es de � d�mocratie � l?espagnole �. Cela a �t� d�montr� par le Rapporteur sp�cial sur la torture de l?ONU, Amnesty International et d?autres organisations de droits humains.

R�cemment, le groupe � M�moire du Pays basque � ( ?euskal memoria? ) a fait et publi� un recensement des donn�es de la r�pression de l?�tat espagnol contre le peuple basque. Dans la p�riode allant de 1959 (ann�e de naissance de l?ETA) � 2009, il y a eu 465 morts cons�cutives � des actions de la police et / ou des forces paramilitaires, 50?000 personnes ont �t� arr�t�es pour des raisons politiques, dont 10?000 ont d�nonc� la torture et 7?000 ont �t� emprisonn�es. En outre, 2?500 sont parties en exil. Le sud du Pays basque a seulement 2,7 millions d?habitants, de sorte que vous pouvez extrapoler ces chiffres � une population comme celle de la France, par exemple, et �a donnerait plus d?un million de prisonniers politiques, et presque 250?000 personnes tortur�es. Jon Anza, la derni�re personne tu�e (en France), dans des circonstances plus que � bizarres �, avait disparu en 2009.

Beatriz Morales Bastos : Comment peut-on expliquer qu?un pays comme l?Espagne, membre de l?Union europ�enne, agisse de la sorte ?

Ruben Sanchez : Un jour, j?ai vu une vid�o du groupe Izquierda Castellana dans laquelle un membre de cette organisation expliquait � un journaliste �tranger combien l?�tat espagnol est � curieux �. Pourriez-vous imaginer que Hitler ne soit pas mort en 1945 et qu?il ait continu� � r�gner en Allemagne jusqu?� sa mort dans son lit en 1975, et qu?avant de mourir il ait con�u une transition vers la d�mocratie (avec un roi d�sign� par lui m�me) ? Comme Franco lui-m�me l?a d�clar� avant sa mort, il a tout laiss� � bien verrouill� �.
On n?a jamais demand� de rendre des comptes de rien, ni � la police ni � l?arm�e ou � la magistrature, ou � la classe politique responsable ; aucun fasciste espagnol n?a eu son Nuremberg. Tous sont pass�s, du jour au lendemain, de fascistes � d�mocrates. � l?�cole espagnole, on vous expliquera que la guerre civile espagnole a �t� une guerre � entre fr�res �, entre gauche et droite, et non la cons�quence d?un coup d?�tat militaire fasciste contre un gouvernement d�mocratique ; on ne vous expliquera pas que, par exemple, une fois la guerre finie, il y a eu pr�s de 300?000 personnes dans les prisons et les camps de concentration. L?�tat espagnol n?a pas encore fait son mea culpa au sujet du fascisme, entre autres raisons parce que le PSOE et le PCE ont obtenu leur l�galisation en �change de � tourner la page � et de ne jamais demander aux fascistes de rendre des comptes. Cela a �t� le prix d?une � transition espagnole � tellement � mod�le �, que nous pr�f�rons l?appeler � trahison d�mocratique �.

Beatriz Morales Bastos : Quelle issue voyez-vous � ce long conflit entre le peuple basque et l?�tat espagnol ? Pensez-vous que la paix soit possible dans un futur proche ?

Ruben Sanchez : Nous savons que, du c�t� de l?ETA, il y a une tr�ve unilat�rale et l?engagement de ne pas mener des op�rations offensives ; nous savons aussi que, apr�s un long processus de discussion, la grande majorit� des bases de la gauche ind�pendantiste basque a d�cid� de poursuivre la lutte par des moyens exclusivement politiques, en renon�ant � l?usage de la violence � des fins politiques.

Pour l?instant, de l?autre c�t�, nous voyons que l?�tat espagnol n?a pas renonc� � la � victoire militaire � et poursuit activement sa politique sur tous les fronts : la lutte contre l?ETA, la lutte contre ce que le juge Garzon a appel� � l?environnement � ETA, comme l?op�ration contre Askapena, ou contre EKIN (groupe de coordination entre les diff�rentes organisations politiques et les mouvements populaires) et contre la SEGI (l?organisation des jeunes socialiste et ind�pendantistes), dont plus de 65 jeunes ont �t� arr�t�s et emprisonn�s depuis 2009 ; la torture, les punitions suppl�mentaires pour les prisonniers basques : en violation de leurs propres lois, il y a plus de 725 prisonniers dispers�s dans les prisons des �tats espagnol et fran�ais, il y a des prisonniers gravement malades en prison, les lois sont modifi�es afin d?�largir les peines de prison d�j� accomplies (il ya des prisonniers qui ont fait 30 ans de prison), on applique la peine de l?isolement (comme � l?avocate Arantza Zulueta qui se trouve en isolement total depuis qu?elle a �t� arr�t�e en mars ; la semaine derni�re elle a entam� une gr�ve de la faim pour protester contre la situation) et les humiliations inflig�es aux proches des prisonniers...

Beatriz Morales Bastos : Vous ne semblez pas tr�s optimiste ?!

Ruben Sanchez : Eh bien, je viens de d�crire la situation telle qu?elle est aujourd?hui, mais je suis s�r que, demain, il y aura plus de lumi�re, en particulier parce que je pense que, dans notre peuple, la majorit� de la population souhaite r�soudre le conflit de fa�on juste et d�mocratique, et cette majorit� va faire pression jour apr�s jour pour r�soudre le conflit.

Beatriz Morales Bastos : Quels sont vos espoirs pour le Pays basque ?

Ruben Sanchez : � moyen terme, j?imagine un Pays basque dont les �tats espagnol et fran�ais reconnaissent l?existence, c?est-� dire qu?ils reconnaissent qu?il y a un peuple en Europe, le peuple basque, qui a le droit de d�terminer librement son avenir. Un peuple o� des sensibilit�s historiquement antagonistes r�glent leurs diff�rends par des voies exclusivement politiques, et sur un pied d?�galit� ; un peuple dans lequel les blessures de toutes les victimes du conflit sont referm�es, et o� il n?y a ni gagnants ni perdants.

� long terme, j?esp�re que le projet politique auquel je crois, un �tat basque qui marche vers le socialisme, gagnera des partisans et que, petit � petit, nous apporterons notre pierre � l?�difice du reste des peuples du monde, avant que le capitalisme ait fini de d�truire la plan�te et les peuples qui l?habitent.

Beatriz Morales Bastos : Avez-vous, en conclusion, un message que vous souhaiteriez transmettre ?

Ruben Sanchez : Je voudrais envoyer un message � tous ceux qui vont lire cet entretien et doutent de notre sinc�rit� ; aux personnes qui croient qu?il faut construire ce monde � partir d?autres valeurs que le capitalisme sauvage. Pendant les 50 derni�res ann�es, il y a eu au Pays basque des g�n�rations et g�n�rations de militants combattant, non seulement pour le droit � l?autod�termination, mais aussi pour le socialisme. Leur combat, notre combat, est r�el, et il est juste non seulement pour notre survie en tant que peuple, mais aussi pour la lutte de l?humanit� elle-m�me contre l?�go�sme, contre la destruction et l?an�antissement qu?implique le capitalisme. Nous sommes amis, nous sommes camarades.

Beatriz Morales Bastos : Je vous remercie.

Source : Beatriz Morales Bastos.

Sur le m�me sujet, voir �galement :
� Encore des arrestations, encore des prisonniers politiques au Pays Basque �, par John Brown, silviacattori.net, 18 octobre 2010.



[1] Pour plus d?informations sur ces groupes, voir : http://www.askapena.org/ ?q=en/category/7/48 et http://www.delicious.com/askapena/EHL.

[2] Voir, par exemple, un article paru dans le journal El Pais, le 1er Juin 2008, � Las ? embajadas? de ETA �.
Voir �galement : � El Pa�s, el tonto y el l�piz �, et � Denuncia de las amenazas de muerte recibidas por un brigadista de Askapena �.

[3] L?Audience nationale espagnole est une institution judiciaire nationale (cour d?assises), dont le si�ge est � Madrid, et qui juge presque exclusivement les cas basques.